La Cité des fantômes au Vietnam

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Tout près de l’ancienne cité impériale vietnamienne de Hué, un petit village de pêcheurs An Bang (Nghĩa trang An Bang) est connu comme la “Cité des fantômes” ou «La terre où vivent les morts». Ici, les maisons des morts sont plus opulentes que celles des vivants.

Située dans le centre du Vietnam actuel, l’ancienne capitale d’Hué, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est une destination touristique connue pour les vestiges de sa citadelle et les tombeaux spectaculaires des empereurs de la dynastie des Nguyen, datant du XIXe siècle. Dans le village voisin de An Bang, les pêcheurs locaux ont bâti au fil des ans une version populaire des tombeaux impériaux qui attire les curieux.

Ces familles dépensent l’équivalent de dizaines de milliers d’euros pour construire des tombeaux rendant hommage à leurs dynasties anonymes. Toute la parenté investit dans ces projets disproportionnés par rapport aux revenus des habitants, dans un pays où le revenu annuel moyen est de 2.000 euros. Y compris les proches, partis travailler à l’étranger, alors que la guerre du Vietnam a produit une importante diaspora. Car dans ce concours de création mortuaire, les familles rivalisent d’inventivité.

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Ceux qui ont “réussi” à l’étranger “envoient de l’argent au pays, lequel est investi dans la construction de tombes”, explique un policier local, Hoang Khang. Au Vietnam, malgré l’athéisme d’Etat officiellement en vigueur, le respect dû aux ancêtres est resté profondément ancré dans la société, pétrie de confucianisme et de bouddhisme. Contrairement à des pays voisins comme la Thaïlande, où les urnes funéraires sont gardées dans les maisons ou les cendres dispersées, les Vietnamiens conservent les cendres ou les dépouilles de leurs morts dans des cimetières. Entretenir les tombes familiales fait partie de la tradition, portée à son apothéose ici. “Selon les traditions locales, une tombe plus haute donne une meilleure vue aux ancêtres”, lesquels, par ricochet, apportent protection et bonne fortune aux vivants, explique le policier Khang.

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  • Quelle est l’histoire de la “Cité des fantômes”?

Après la réunification vietnamienne en 1975, de nombreux habitants du village d’An Bang ont émigré en Europe et aux États-Unis. D’ici, ils ont renvoyé de l’argent à leurs proches restés sur place, ce qui en a fait l’un des villages les plus riches du Vietnam.

Les tombes coûtent entre 30.000 euros et 50.000 euros voir 70.000 euros pour les plus prestigieuses.

Ce n’est que dans les années 1990 que les villageois locaux ont commencé à construire de plus en plus de tombes extravagantes pour les membres de leur famille décédés, voire prématurément pour eux-mêmes.

“Notre cimetière est unique”, confirme le pêcheur à la retraite Dang Thien, en faisant faire le tour de l’énorme bâtiment funéraire de sa famille, qui occupe 400 m2 de terrain dans le cimetière du village. Le cimetière s’étend au total sur 250 hectares, avec vue plongeante sur une plage de sable blanc. Il est là depuis des siècles, comme le village.

La famille de Thien a été parmi les premières à se lancer dans le projet d’expansion et de rénovation du tombeau familial, en 1994. Il fait aujourd’hui six mètres de hauteur et est couvert de sculptures de dragons traditionnels. Certaines concessions voisines montent à dix mètres. Elles incorporent des créatures comme le dragon ou la tortue, traditionnelles dans l’art funéraire au Vietnam. Rénover sans relâche les tombeaux, “c’est une façon pour les enfants de montrer leur respect envers les ancêtres. Cela restera là pour l’éternité”, explique le pêcheur Thien. “Les villageois ont construit des tombes géantes pour montrer leur piété filiale à leurs ancêtres, qui en retour leur porteront chance”, explique lui aussi un responsable du village, Hoang Dinh Xuan Thinh.

Depuis le début du développement du cimetière, les autorités de cet Etat autoritaire n’ont jamais réfréné la créativité débridée des villageois. “Les autorités locales n’encouragent pas les tombes géantes”, assure le responsable local Tinh. Mais les appels à la modération restent vains : les tombes, intégrant parfois des motifs hindous, chrétiens ou islamiques pour la seule beauté, continuent de grandir. Et certains villageois vont jusqu’à se lancer dans la construction de leur propre tombe géante de leur vivant.

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