La croyance en les Déesses-Mères des Trois mondes a été officiellement reconnue le 1er décembre en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par le Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Dans les plus de 200 pays et territoires du monde, le culte des Déesses-Mères (Tin nguong tho Mâu ou Hâu dông en vietnamien) est une singularité du Vietnam. Depuis des milliers d’années, cette croyance jouit d’une vitalité qui ne se dément pas, sans doute parce qu’elle est à l’origine du besoin spirituel des Vietnamiens au fil des générations.
D’après le Professeur Ngô Duc Thinh, directeur du Centre de recherche et de préservation de la culture et des croyances vietnamiennes, ce culte est une croyance multiculturelle qui n’existe qu’au Vietnam. Il s’intéresse non seulement à la vie de l’homme après la mort, mais aussi à sa vie dans le présent avec ses trois vœux de santé, de richesse et de belle carrière. Ce qui explique pourquoi il tient toujours une place importante dans la vie moderne.
Le Vietnam a soumis le dossier «Croyance en les Déesses-Mères des Trois mondes : le monde céleste, le monde de l’eau et le monde des montagnes et des forêts, des Vietnamiens» en 2015, mais le processus d’examen a été retardé jusqu’à cette année.
Il est l’un des 18 dossiers qui ont été adoptés sans examen par les spécialistes lors de la 11e Conférence du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, qui a eu lieu à Addis-Abeba (Éthiopie) du 28 novembre au 3 décembre.
Une pratique traditionnelle
Le culte des Déesses-Mères est une pratique traditionnelle au Vietnam dont l’histoire est fort longue, et qui a résisté à l’épreuve des mutations sociales. Il traduit une conception du monde et de la vie d’une culture agricole, tout en étant une philosophie de patriotisme, de force et de morale populaires. Il inclut, entre autres, le rituel Hâu dông durant lequel a lieu le chant Châu van (chant des médiums). Ce dernier est une forme d’art religieux qui combine chant et danse pour invoquer les esprits durant les cérémonies de possession du rituel Hâu dông.
Pour répondre à des besoins d’ordre spirituel comme à des attentes quotidiennes, mais aussi pour susciter la chance, la santé et le travail, des communautés du Vietnam vénèrent les Déesses-Mères des Trois mondes. Parmi ces Déesses-Mères, on trouve Liêu Hanh (une nymphe descendue sur Terre qui a vécu comme un être humain et est devenue une bonzesse bouddhiste), qui est désignée comme la Mère du monde, aux côtés d’autres esprits considérés comme des héros légendaires.
La croyance en les Déesses-Mères des Trois mondes a été pratiquée dans de nombreuses provinces du Nord à partir du XVIe siècle. La cérémonie a souvent lieu dans des temples ou des palais, ou des espaces religieux solennels afin d’adorer les êtres saints et leur faire des offrandes.
Le Hâu dông est constitué d’un culte quotidien, de participations à des cérémonies, et de rituels tels celui de possession spirituelle, ainsi que de festivals comme celui de Phu Dày, lesquels ont lieu dans des temples consacrés aux Déesses-Mères. Ces activités, associées à leur pratique, aident à préserver une part de l’histoire de la communauté, de son patrimoine culturel et de son identité, avec plusieurs aspects intégrant costumes traditionnels, musique et danses.
Valoriser le rôle des femmes
Le «+Dao Mâu+, et son rituel +Hâu dông+, est une pratique religieuse syncrétique fascinante, un mélange de plusieurs éléments artistiques comme la musique, le chant, la danse et les costumes», a écrit le photographe Tewfic El-Sawy, qui vient de publier en octobre dernier un livre sur le sujet intitulé Hâu đông : The Spirit Mediums of Vietnam. «C’est un merveilleux voyage dans le monde de cette tradition vietnamienne typique», a-t-il-ajouté.
Les détenteurs et les praticiens sont les membres du public, les gardiens de temple, les prêtres chargés des rituels, les médiums spirituels, les assistants et les musiciens qui transmettent oralement les connaissances et les savoir-faire aux nouveaux venus et aux membres des familles. Le partage de valeurs communes et d’une croyance profonde en la compassion et en la grâce des Déesses-Mères est au fondement des relations sociales, liant les membres des communautés participantes. Le culte des Déesses-Mères contribue également à valoriser les femmes, ainsi que leur rôle dans la société.
La croyance populaire montre le respect des enfants envers leurs mères, tout en reflétant l’esprit de l’UNESCO de préserver la diversité culturelle et religieuse. Le culte des Déesses-Mères est populaire. Par conséquent, la préservation de ce patrimoine culturel national doit s’appuyer sur la communauté. «Je suis confiant et je souhaite que ce rite perdure, car il est profondément ancré dans le cœur des Vietnamiens», conclut le Pr Ngô Duc Thinh.