S’il est un élément relie toutes les cultures du monde, c’est sans aucun doute le rituel du repas. Pourtant, chacun a sa manière propre de l’appréhender et de le mettre en scène. Avant donc de vous faire inviter au Vietnam, observez bien ces détails.
En préambule de notre voyage à travers les traditions du repas familial des Vietnamiens du Nord, il convient d’aborder l’étape non moins importante du choix du présent. Comme dans de nombreux pays, il est déconseillé de venir les mains vides. L’offrande la plus populaire sera, selon mon expérience, des fruits. Préférez ceux que l’on considère comme nobles, les fruits du dragon et autres mangues. Ils seront d’autant plus appréciés à Hanoi qu’ils coûtent relativement cher. En revanche, si vous décidez d’offrir un cadeau, un seul conseil préalable : ne vous étonnez pas si le maître de maison ne le déballe pas dans les minutes qui suivent. C’est la tradition. Il le fera une fois votre départ officialisé. Enfin, il sera tout à votre honneur de venir avec une spécialité de votre pays ou bien encore une bouteille de vin.
Les baguettes et le riz, tout un symbole
D’abord, quelques principes sur le repas vietnamien. Le riz est la ressource la plus abondante et la plus fertile du pays, et ainsi culturellement l’aliment de base. Il sera le plus souvent placé en bout de tablée. Traditionnellement, c’est la maîtresse de maison qui le sert aux membres de la famille. Mais cette habitude tend à disparaître. Après le riz, le second ingrédient de base est constitué de légumes et de fruits, viennent ensuite les produits de la mer, et enfin la viande, qui occupait une place très modeste dans l’alimentation pendant les périodes de vaches maigres, il y a encore quelques années. Aujourd’hui, le niveau de vie étant bien plus élevé, elle prend une place de plus importante au milieu des liserons d’eau et autres tofus.
Un autre élément est essentiel à la table vietnamienne, les baguettes. L’art de manier cet outil quasi-surnaturel pour un Occidental nécessite d’acquérir deux compétences essentielles : la dextérité et la connaissance des rites. Car contrairement à ce que pensent majorité de primo-arrivants au Vietnam, il ne suffit pas de savoir s’en servir. À la pratique s’ajoute la théorie. Veillez d’abord à les prendre à l’endroit, et de manger avec l’extrémité la plus fine. Lorsque vous ne mangez pas, prenez garde à toujours les poser l’une contre l’autre sur votre bol. Les croiser ou les planter dans la nourriture est signe de malheur ou de mort. En tout cas dans les familles les plus traditionnelles. Les jeunes générations sont plus souples quant au respect de ces règles. Enfin, il est fréquent que l’hôte serve son invité. Observez qu’il ne passera pas la nourriture de baguettes à baguettes. Il la posera d’abord dans votre petit récipient hémisphérique. L’inverse serait impoli.
À table !
Si l’expression “À table!” raisonne naturellement aux oreilles de l’Occidental, le Vietnam se détournera de cette formule banale. Les passants en ont un premier échantillon dans la rue. Tout y est prétexte à servir de support.
Il arrive d’ailleurs fréquemment que tabourets et tables se confondent. En famille, vous pourrez effectivement être reçu autour d’une table, mais aussi directement assis sur une natte, dépliée à l’heure de chaque repas dans une pièce qui le plus souvent, ne lui est pas dédiée. Juste une règle à ce propos : si cette manière de manger sied à ravir à vos amis vietnamiens (question d’habitude), vous serez de votre côté, en bon occidental qui se respecte, amené à changer de posture une vingtaine de fois pendant le repas. Favorisez donc une position en tailleur ou genoux repliés et évitez d’allonger les jambes, la plante des pieds ne doit pas pointer en direction de la nourriture, question d’hygiène.
Mais peu importe l’aspect que revêtira votre table, le rituel sera inchangé. Les plats seront tous posés simultanément au milieu des convives qui se serviront au gré de leurs envies… ou presque. Selon un proverbe vietnamien, «il faut regarder le fond de la casserole avant de se servir» (An trông nôi, ngôi trông huong). Concrètement, le convive peut se servir à volonté, à la seule et unique condition non négociable qu’il reste de la nourriture en quantité suffisante pour tout le monde. À l’instar de la France, notamment, il convient donc de ne jamais prendre le dernier morceau, sauf si l’hôte vous y invite. Ce proverbe est aujourd’hui élargi à la vie quotidienne en général. Autre règle : ne remplissez jamais votre bol à ras bord. Servez-vous en petite quantité à chaque fois. Ne prenez jamais un morceau pour le mettre directement à la bouche. Il doit passer par votre bol. Ainsi mélangé aux autres mets qui compose la tablée, il n’en sera que plus «goûtu».
Concernant enfin le dessert, oubliez sur le champ pâtisseries et autres gourmandises du même acabit. Les Vietnamiens n’ont absolument pas l’habitude de manger gras. Ils vous offriront des fruits, rarement d’ailleurs ceux que vous avez apportés, ne vous en vexez pas. Comme évoqué précédemment, le rituel de l’hospitalité veut que l’on garde les présents pour plus tard, et que l’on fasse même don d’autres fruits à l’invité, pour qu’il les emporte. Enfin, si vous voulez faire plaisir à votre hôte, demandez à visiter sa maison. De fait, aussi surprenant et impoli que cela puisse paraître à un occidental, c’est à l’invité de se faire inviter. Le propriétaire peut d’ailleurs attendre avec impatience votre requête. C’est ainsi que j’ai moi-même vexé la maîtresse des lieux, il y a seulement quelques jours. Quand on se souvient que la notion d’espace privé est quasi-absente au Vietnam, cette pratique prend tout son sens. Même si elle n’est pas d’usage dans toutes les familles.
La liste des coutumes est encore bien longue. Un seul secret, observer et s’adapter. Eviter de dire non mais ne pas se crisper. Tout ça n’est qu’une affaire d’habitude, et les faux-pas vous seront aisément pardonnés si vous êtes étranger.
Note: Pendant votre voyage, vous avez de bonnes occasions de passer d’innoubliables moments, lors des nuits chez l’habitant en mangeant ensemble avec des familles vietnamiennes qui sont très acceuillantes et sympatiques.